L’illustrateur Owen Gent réinvestit les vestiges de la littérature
Illustration d’articles, couvertures de roman ou expérimentations personnelles, l’illustrateur Owen Gent, installé à Bristol au Royaume-Uni, distille des images au storytelling dense. Pour ses illustrations éditoriales commandées par des magazines, tels que The New York Times, il raconte en images la réalité des expériences de mort subites. Pour ses couvertures de livres tels que Coat with Long Sleeves écrit par Geoff Duck, il crée des histoires visuelles où les lecteurs ont toute la place pour y rentrer et s’y identifier.
Comment décririez-vous la sensibilité artistique que vous cultivez dans ces projets pluriformats ?
J’essaye d’explorer la délicate frontière où la beauté et la mélancolie se rencontrent.
Pourquoi mêler deux médiums très différents : l’aquarelle et l’art numérique ?
Ce choix est, en partie, lié aux contraintes de temps qui rythment le travail d’illustrateur, et en particulier celles des commandes éditoriales. De l’autre côté, cet attrait est dû à la liberté que me donne l’édition numérique d’une peinture. Si je continue de peindre la pièce entière à l’aquarelle, c’est parce que je souhaite conserver cette sensation de fluidité et de mouvement que je ne peux obtenir qu’en passant le pinceau sur le papier.
Pourquoi la santé mentale, l’isolement et la mort sont des sujets prédominants dans votre travail éditorial ?
Les médias m’approchent pour réagir à ces thématiques pour la subtilité de mes illustrations. Celle-ci est, je pense, nécessaire lorsque l’on explore des thématiques comme la mort, les problèmes de santé mentale et l’isolement.
Vos personnages sans visage contribuent aux ambiances fantomatiques de vos images.
Je suppose que cela peut être vu de cette façon. Si je dessine rarement des personnages identifiables, c’est pour permettre au public de s’identifier à une illustration. J’aime quand une image a le pouvoir de laisser la place au spectateur d’y intégrer sa vie.
Quel est votre processus créatif lorsque vous pensez une couverture de livre, comme Coat With Long Sleeves de Geoff Duck ou The Outsider d’Albert Camus ?
Lorsque je travaille sur une couverture de livre, la première chose que je fais est (s’il me l’est permis) de le lire. C’est un luxe d’avoir le temps d’un roman entier pour réfléchir à la façon dont il pourrait être représenté visuellement. Je me sens très chanceux qu’une partie de mon travail en tant qu’illustrateur soit de m’asseoir et de lire le travail d’écrivains incroyables.
Dans votre projet “Sappho Fragments”, vous montrez une nouvelle fois votre amour pour la littérature.
Pour moi, ce qui est vraiment beau à propos des écrits de la poétesse grecque Sappho, c’est qu’il ne nous en reste que des bribes. La plupart de ses mots ont littéralement été usés au fil du temps. D’une certaine manière, tout ce qui reste de son travail, ce sont des fantômes. J’espère que le public interprète mon œuvre d’art de la même façon que j’interprète celle de Sappho. En comblant les lacunes et en se l’appropriant. Travailler avec la littérature me donne la chance de me connecter à un niveau plus profond, en explorant visuellement ma relation avec elle.
Site web de l’artiste : www.owengent.com
Images © Owen Gent