Les monuments fantômes de Bruno Duplant

Installé dans le nord de la France depuis plus de 20 ans, l’artiste, musicien et compositeur Bruno Duplant s’attache à capturer des zones industrielles désaffectées, des « usines fantômes » par le biais d’un appareil photographique. Les images qu’il prend font écho à des travaux sonores préliminaires autour de cette même thématique. Ces compositions qui évoluent au fil du temps sont aujourd’hui compilées sur l’album Quelques usines fantômes, n°3 troisième d’une série débutée dès 2012, produit par le label américain Flag Day Recordings. Ses photographies, à l’esthétique rétro, explorent la part énigmatique qui planent sur ces lieux laissés à l’abandon où finalement la nature vient reprendre ses droits. À travers les prises de vues quasi-floutées, un caractère fantomatique se dégage, les lieux devenant mouvants et habités. Certaines, imprimées directement sur du métal, arborent un aspect texturé supplémentaire, accentuant la vitesse des prises et leur rendu flou.
Son dernier album est disponible ici : flagdayrecordings.bandcamp.com

À écouter :
Quelques usines fantômes
Quelques usines fantômes #2
Fictions (Lp)

Comment en êtes-vous venu à photographier ces bâtiments et lieux désaffectés ?
Le plus naturellement du monde, puisque vivant dans le nord de la France depuis plus de vingt ans (je viens du sud-est de la France) j’ai découvert, puis commencé à apprécier ces constructions en briques rouges, omniprésentes dans cette région. Puis ce furent les friches industrielles, nombreuses et multiples. Ce patrimoine architectural, artistique, culturel a su au fil des temps devenir mien. Quant à ma pratique artistique, j’ai d’abord abordé ce sujet au travers de ma pratique musicale (musique électroacoustique avec pour moi la figure tutélaire de Luc Ferrari). L’idée des quelques usines fantômes m’est venu en me posant la question que deviennent ces lieux lorsqu’ils sont abandonnés, vidés ? Ne reste-t-il pas une trace sonore, une âme. À défaut de pouvoir l’enregistrer j’ai recherché à créer des sons, un climat fictif aussi vrai que la réalité. J’avais de même réalisé un LP fictions autour de deux lieux abandonnés après des catastrophes nucléaires majeures, Prypiat et Futuba. La photographie est venue après, non pas secondaire, mais en complément, comme une autre facette, un autre angle/point de vue.

Usines fantômes, Bruno Duplant


Quel est votre procédé photographique ? Vos techniques ?
Je ne dévoilerai pas tout, mais le procédé est aussi « fictif », puisque je cherche à pousser la pratique de la photographie numérique dans ces ultimes retranchements afin de m’en éloigner et au contraire me rapprocher au plus près de l’argentique, voir des procédés anciens du moins dans le résultat et ceux sans utiliser réellement de filtres. Je malmène l’appareil afin de faire éclater les couleurs, la photographie toujours très nette et précise devient floue, comme en mouvement. Les perspectives deviennent improbables. En général je travaille plutôt en noir et blanc. Le résultat est pour moi, non plus une photographie, mais une image, au même titre qu’un dessin, une peinture, un monotype. Certaines de ces images seront imprimées directement sur aluminium, pour renforcer et fixer dans le temps le sujet.

Pensez-vous que ces endroits puissent être hantés/habités par des forces qui nous dépassent ?
Je pense réellement que ces endroits sont encore habités par des forces qui nous dépassent, tout comme l’univers entier est constitué de matière noire, matière (ou non d’ailleurs) dont nous ne connaissons absolument rien.  Pour ces forces nous entourant chacun pourra y apposer un nom suivant les époques, ses croyances, sa culture, fantômes, spectresforcesfluides, mais peu importe, ces choses sont là. Le verbe hanter a pour moi beaucoup trop une connotation de malveillance, de devoir effrayer le vivant. Je pense que c’est beaucoup plus simple que cela, ces forces sont là et vivent très bien sans nous, elles ne cherchent pas à attirer notre attention. Je pense aussi que l’humain avec beaucoup plus de sensibilité, d’écoute et d’ouverture pourra(it) découvrir tout cela.

 

Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant
Usines fantômes, Bruno Duplant

Trouver l’album de Bruno Duplant:
flagdayrecordings.bandcamp.com

Son Instagram :
@brunoduplant

© Bruno Duplant, Usines Fantômes