La vérité sur les fantômes par Lisa Blumen
Lisa Blumen est illustratrice. Basée à Strasbourg dans les ateliers d’artistes récemment construits à la Coop, elle vient de sortir son livre La vérité sur les fantômes aux Éditions du Rouergue.
Quel est votre parcours, vos projets ?
Je suis autrice et illustratrice résidant à Strasbourg où j’ai fait les arts déco (HEAR). J’aime vraiment avoir la double casquette d’écrire et d’illustrer mes propres histoires. Je crois que je vois le processus d’écriture d’une façon très visuelle. La plupart du temps je fonctionne en « images clés » qui me permettent de construire mon histoire autour de ces moments forts. Et pour ces images, la plupart du temps, il n’y a pas besoin de texte. C’est pour cela que l’image est, pour moi, aussi importante que le texte. Je travaille sur des livres jeunesse (La vérité sur les fantômes) ou de la bande dessinée. Ma première BD sortira en 2021 à l’Employé du moi. C’est une histoire chorale où l’on suit plusieurs personnages juste avant la fin du monde. Je travaille aussi pour la presse (Topo, Revue dessinée, Astrapi). J’aime garder de la « fraîcheur » dans mes dessins et travailler sur des projets plus courts et sans contraintes c’est pour cela que je fais partie d’un collectif d’illustrateurs monté entre copains : les Éditions pratique. On devait faire une expo au Philibar mais, en vue des circonstances actuelles, elle est reportée.
Pouvez-vous nous parler du livre La vérité sur les fantômes, son origine ?
Cela fait maintenant plusieurs années que je dessine des fantômes. La première fois que j’en ai dessiné un, c’était pour une raison très pragmatique : j’ai eu un prof à l’école qui a critiqué (légitimement) ma façon de dessiner des visages. Ça m’a tellement énervée que je me suis mise à le cacher sous un drap, comme pour faire un pied de nez à sa remarque. Mais je pense qu’on ne fait jamais les choses par pure coïncidence… Ce n’était pas une année très facile pour moi parce que j’essayais de surmonter un deuil. Alors évidemment petit à petit, à force de dessiner des fantômes j’ai commencé à me poser des questions. J’ai écrit quelques histoires assez personnelles avec ces personnages, puis au fur et à mesure je me suis habituée à leurs présences et j’ai fini par lisser leurs symboliques funestes. C’était assez thérapeutique de les dessiner finalement. Et au fur et à mesure ils me paraissaient très sympathiques et après tout assez banals. L’idée du livre m’est venue dans la continuité de cela. Je me suis amusée à les dessiner dans n’importe quelle occasion, dans n’importe quelle position… Ce sont juste des personnages sous des draps qui sont aussi touchants et grotesques que nous.
Quelle est votre/vos technique(s) favorites ?
J’ai l’impression d’être toujours en recherche dans mon dessin, je suis sortie de l’école il y a peu de temps. J’essaye de varier mes techniques et de ne pas me limiter par leurs utilisations. J’aime mixer les crayons de couleur, la gouache et récemment je me suis mise à l’encre. Mais la technique avec laquelle je suis le plus à l’aise, ce sont les feutres à alcool (c’est ce que j’ai utilisé pour le livre des fantômes). J’aime les transparences et les superpositions que les feutres impliquent. Mais j’espère rester dans ce renouvellement de technique encore longtemps! Je trouve ça assez angoissant d’avoir trouvé SA technique et de s’y fixer, on finit peut-être par avoir des automatismes et je pense que c’est à ce moment que l’ennui peut surgir.
Croyez-vous aux fantômes ? Quel est votre lien avec eux ?
Je ne crois pas aux fantômes. Peut-être par souci pour eux. Je n’aimerais pas savoir que les disparus passent leurs temps à nous regarder sans pouvoir agir… J’espère qu’ils ont mieux à faire. Je pense par contre que parler de fantômes pour les vivants est un véritable outil thérapeutique comme je le disais plus haut. C’est un très beau symbole des souvenirs que l’on à pour une personne qui n’existe plus dans notre réalité. Un deuil, c’est un peu comme être dans les limbes avec l’être aimé. Sentir encore sa présence alors qu’il n’y a que du silence. Finalement la forme du fantôme est la seule métaphore que l’on connaisse pour parler de cet entre-deux, de ce vide absurde. Si on a recours ce personnage du fantôme c’est souvent pour pouvoir communiquer une dernière fois avec le disparu, lui donner une substance pour lui dire au revoir et le laisser prendre la forme immatérielle des souvenirs.
Lisa Blumen instagram: @superlisablumen
© Lisa Blumen