Kris Vervaeke immortalise les fantômes de Hong Kong

Avec Ad Infinitum, le photographe Kris Vervaeke réalise une série d’images en explorant les cimetières de Hong Kong. Les portraits mortuaires, de femmes et d’hommes, laissés aux affres de la météo, deviennent pour le photographe des représentations encore bien vivantes des défunts.

C’est sur plusieurs années que vous avez pensé votre série Ad Infinitum. Comment l’idée vous est-elle venue ?
À ce moment là, j’habitais à Hong Kong. Une ville avec une âme. En y cherchant des paysages à photographier, je suis tombé sur ces océans de tombes avec en arrière-plan, le paysage urbain. Les cimetières sont des éléments essentiels du paysage culturel hong kongais. Ils sont un lieu symbolique, puissant et redouté. Un lien vers l’au-delà. Les lieux de sépulture sont soigneusement sélectionnés en tenant compte du bon feng shui. J’ai été attiré par ces beaux portraits commémoratifs érodés et j’ai commencé à les photographier. J’y suis retourné plusieurs fois. Et le projet est né. Les portraits sur porcelaine illustrent la personne dans la vie avant la mort. Ce sont des portraits, personnels et souvent intimes, qui n’ont jamais été destinés à servir de mémorial. Une seule image est sélectionnée pour résumer la complexité de toute une vie.

Vous avez photographié des centaines de portraits mortuaires. Quelles ont été les étapes de votre processus créatif ?
J’ai isolé les portraits des pierres tombales sur lesquelles ils étaient posés pour les éloigner du contexte du cimetière et de l’idée de mort. L’accent est mis sur le portrait lui-même, les personnes dans leur présent.

Au fil du temps, sur ces pierres tombales, les portraits sont exposés à la pluie, au soleil et à l’humidité. Ils deviennent abstraits. Au final, il nous reste la simple beauté floue de l’image en tant que telle. La série de portraits expose à la fois la force du visage individuel et la nature périssable du corps humain. Inconsciemment, notre intérêt pour l’individu s’estompe à mesure que les portraits deviennent moins lisibles. Celui-ci est tranquillement remplacé par notre attirance pour la beauté de l’image abstraite. Au fur et à mesure que les visages s’estompent, ces personnes redeviennent une partie de la nature… À l’infini.

Pourquoi avez-vous décidé de faire un livre de ce projet?
J’avais capturé tant de portraits que j’ai souhaité en faire quelque chose. Dans un livre, ils se marient bien. Avec son design simple, le livre met l’accent sur les portraits, ou ce qu’il en reste. La couverture noire (couleur de la mort dans notre culture) se transforme progressivement en blanc (couleur de la mort en Chine) pour la couverture arrière. J’ai auto-publié le livre qui a été nominé pour les premiers prix PhotoBook de la Fondation Paris Photo-Aperture.

Des projets futurs ?
Je termine un projet intitulé “98 objects found in my mother-in-law’s-basement”. Je photographie des objets trouvés dans les sous-sols des gens. Une surprenante collection d’appareils prothétiques, d’outils dysfonctionnels, de brosses à dents, de boîtes de conserve de 20 ans, de vieux grille-pain, de jouets décapités, de chaussures orphelines… À travers ces objets du quotidien conservés émerge un portrait d’une époque, comme une capsule du temps de la société.

Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014

 

 

Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014
Kris Vervaeke, Ad Infinitum, 2014

Site web de l’artiste : krisvervaeke.com
© Kris Vervaek. Ad Infinitum series, 2014