Revégétaliser la quotidienneté par le Studio Alexis Tricoire

Approcher le végétal par le design, c’est la mission que le designer Alexis Tricoire s’est donné. En 2009, il crée le Studio Alexis Tricoire et propose aux entreprises et institutions désireuses d’améliorer la qualité de vie de leurs utilisateurs, de concevoir des installations végétales “à forte valeur émotionnelle”. Mobilier urbain, design objet, œuvre monumentale, scénographie et paysagisme, la nature est toujours présente, sinon suggérée, dans les œuvres du designer qui a à cœur de mêler ses ambitions esthétiques à l’urgence climatique actuelle.

Le Carré Michelet

Chef de file du design végétal en France, vous avez vu évoluer la pratique au fil des années. Aujourd’hui, quel est son état ?
En 2009, lorsque je crée le studio Alexis Tricoire, le design végétal est un domaine quasiment inconnu. À l’époque, la société parlait à peine d’écologie et de dérèglement climatique. Il y avait une dimension innovante dans l’idée d’associer le design au végétal et de mettre en scène la nature. Aujourd’hui, plus que la dimension purement esthétique, le design végétal se concentre davantage sur le bien-être que procure le végétal : la qualité de l’air, sa capacité à dépolluer, à humidifier un environnement…

Au sein du studio Alexis Tricoire, comment avez-vous fait évoluer la pratique du design végétal ?
En mettant en place une déontologie dans notre façon de travailler. Nos projets répondent à des principes d’éco-construction ; avec des choix de matériaux durables, recyclables, recyclés. Les créations sont démontables pour faciliter le remplacement et le recyclage.

Nous portons un fort intérêt à la dimension éthique, c’est-à-dire la préservation de la nature sauvage. Les espaces de grande biodiversité, les forêts tropicales, les zones humides, ne sont jamais des espaces avec lesquels nous travaillons. Tout comme les mousses, notamment nordiques, qui mettent des années, voire des siècles à se reproduire. Parce qu’on ne peut pas créer sans impact, on essaye de le minimiser au sein du studio, notamment en revalorisant les matériaux que nous utilisons au sein d’un circuit court.

Quelles caractéristiques appréciez-vous jouer dans vos scénographies végétales ?
J’aime tout particulièrement les projets qui mêlent questions esthétiques et environnementales, comme ce que nous avons mis en place pour le Carré Michelet. Pour cette cour de bureau, nous voulions créer un mobilier de confort multifonctions à l’attention des usagers juxtaposés à des jardinières qui sont un lien avec la nature. Le mobilier permet de manger, de travailler et d’accueillir en extérieur. Nous avons travaillé avec un comité de préservation : 100 espèces végétales différentes sont présentes sur le site, dont 80 sont des espèces locales où se mêlent des installations pour oiseaux.

Quel projet est emblématique du Studio Alexis Tricoire ?
La Nature en lévitation. Ce projet est une installation représentative du Studio puisque associe symbolisme et technologie dans la gare TGV d’Angers, porte d’entrée de la région la plus verte de France. Nous avons été associés à des unités de recherches locales pour mettre au point une installation mettant en scène des arbres suspendus à l’intérieur du hall de la gare. Cette installation automatisée avec ses brumisateurs et sa gestion de l’eau sans évacuation, dont les niveaux d’hydratation sont visibles en temps réel sur des écrans, est en place depuis 4 ans déjà. Elle est associée à une gamme de mobiliers urbains, qui permettent aux voyageurs de s’asseoir autour de ces arbres suspendus. Ces derniers ont notamment été choisis pour leur pousse lente (ne nécessitant pas un changement régulier) et pour résister au courant d’air froid de la gare comme à la chaleur torride de l’été. On y retrouve des camphriers, des ficus, et également des rhipsalis.

La végétation tient une place clé dans votre travail. Avec parcimonie, vous travaillez également avec les fleurs.
En effet, je travaille principalement sur des paysages. Quand les fleurs apparaissent, elles sont pour moi un cadeau exceptionnel de la vie. Les percevoir comme une surprise de la nature est en corrélation avec notre éthique qui prône la durabilité. Sinon, j’aime tout particulièrement les orchidées, pour leur capacité à refleurir justement. J’aime également les plantes fleuries. Les faire pousser et comprendre qu’elles ne fleurissent qu’une seule fois dans la saison, c’est se positionner dans un geste de soin permanent pour elles, mais aussi, pour nous.

Quelles sont vos inspirations ?
Ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est la transformation de zones urbaines. Pendant des siècles, la ville était faite pour nous protéger de la nature effrayante. Aujourd’hui, ce paradigme est renversé. En tant que société, nous comprenons qu’une ville végétalisée est plus bénéfique à vivre qu’une ville minérale. Le musée Beaubourg, conçu dans les années 80 est une ode à l’industrie. Au contraire, le Musée du Quai Branly créé en 2006, sorte de parc dans la ville est totalement l’inverse. Nous nous apercevons qu’on veut intégrer la nature à la culture, deux éléments qui vont ensemble. Toiture végétalisée, potagers, jardins partagés transforment la ville. Ces espaces ne sont pas que des lieux de consommation, mais des lieux de bien-être, de rencontres, de repos…

La Nature en lévitation, gare d’Angers © Studio Erick Saillet
La Nature en lévitation, gare d’Angers © Studio Erick Saillet
Capital 8, Paris 8e © seenbykloé
Lustre Babylone
À rebrousse poil © Yann Monel
À rebrousse poil © Yann Monel
Lyon Confluences © Studio Erick Saillet

Le site du Studio Alexis Tricoire: alexistricoire.fr
Instagram: @tricoiredesign
© Studio Alexis Tricoire