Les masques textiles d’Emma Cassi, hommage à Hilma Af Klint
L’artiste textile Emma Cassi se forme seule à la broderie, inspirée par le travail du designer de mode Dries Van Noten. Après avoir créé sa marque de bijoux brodés, elle conçoit aujourd’hui des pots en tissus, des herbariums peints, de longs panneaux de soie et des masques… Avec ses masques faits de perles, de dentelle et de fleurs, elle réactive à la fois l’artisanat du textile et le travail de l’artiste et pionnière de l’art abstrait Hilma Af Klint, à qui elle rend hommage dans Broder l’invisible.
D’où naît votre attrait pour le textile, l’artisanat et les fleurs ?
Mon amour pour le tissu est tactile et vient de l’enfance : des mouchoirs à carreaux de mon grand-père aux vêtements anciens en dentelle chinés par mon père pour le club folklorique de sa sœur… Dans le petit village où nous vivions, mon grand-père dirigeait une scierie et mon père une casse-auto. Je passais mon temps libre là-bas. C’est dans les carrelets de bois, les débris de verre et de ferraille que je m’amusais. Aujourd’hui, je me sens proche des artistes de l’arte povera ou des créateurs qui recyclent le plastique, comme Serge Attukwei Clottey, même si les matières que j’utilise sont plus douces et élégantes. Quant à mon rapport avec la nature et les fleurs, le lien est plus intime. J’ai étudié l’art des jardins et le dessin de paysages aux Beaux-Arts aux côtés de la philosophe Gaëtane Lamarche-Vadelle et l’artiste Marc Camille Chaimovicz.
Avec la série de masques Broder l’invisible, vous racontez une histoire. Laquelle ?
Ces masques sont spécialement créés pour le prix de broderie londonien Han & Lock. Le thème imposait de choisir un·e artiste et une figure emblématique, puis de créer une broderie libre. J’ai choisi Hilma Af Klint, peintre pionnière de l’art abstrait. Les masques de Broder l’invisible illustrent les 4 étapes de la vie : la jeunesse, l’adolescence, l’âge adulte et la vieillesse, comme les peintures The ten largest d’Hilma Af Klint. J’ai utilisé des médaillons de dentelles anciennes et des motifs au crochet que j’ai brodé de paillettes vintages des années 50 et 70, chinées à Hammersmith vintage fair, ainsi que des perles anciennes. Pour interpréter les symboles énigmatiques, les spirales logarithmiques et les imageries florales d’Hilma Af Klint, je n’ai rien planifié. J’ai brodé toutes les pièces de dentelle petit à petit. J’ai construit les visages de tous les âges, me laissant guider par les peintures et l’effet qu’avait produit sur moi les œuvres d’Hilma…
Au travers de ces masques vous revisitez donc l’artisanat textile. De quelles façons ?
J’utilise des vieilles dentelles trouvées sur des marchés, du crochet troué, taché. Le moindre bout de chiffon est un trésor. Les paillettes vintages de mes masques sont plus difficiles à trouver, très rares, souvent fabriquées en France. J’ai rencontré des collectionneurs de tissus et des costumiers qui m’ont aidée à me procurer ces petits bouts colorés de gélatine datant des années 1940 pour les plus anciennes. Ma vision de l’artisanat est proche de celle de la permaculture : faire avec ce qu’on a autour de soi, prendre le temps de voir l’œuvre évoluer, la recycler pour la transformer. J’aime la liberté et la simplicité d’une approche artisanale. Pas besoin de beaucoup de moyens, juste ses mains et la matière première. L’expérience tactile, celle de la conscience du temps, se produit pendant que je brode à chaque passage d’aiguille pour maintenir le fils…
Le site d’Emma Cassi : emmacassi.com
L’instagram d’Emma Cassi : @silkbyemmacassi
Le site d’Alun Callender : aluncallender.com
L’instagram d’Alun Callender : @aluncallenderphoto
© Emma Cassi & Alun Callender