La fleur de Kro de Juliette Même

Attirée par le métal et l’utilisation de matériaux communs, Juliette Même a développé sa série Houblons au sein de l’atelier de recherche dédié au bijou à la Hear. Aujourd’hui installée à Nantes, elle poursuit ses recherches et développe en parallèle une marque de bijoux «prêts à porter/créateur».

La reine de la bière, photomontage, 2018

Comment pourriez-vous définir votre travail ? et quelle est votre approche du bijou ?
Je dirais qu’il s’agit d’un jeu entre la forme et la matière, une appropriation par la manipulation d’éléments issus de mon quotidien. Je cherche en eux des qualités plastiques, une manière de les travailler qui va les valoriser. Le bijou est une base, un point d’appui pour parler de valeur au sens large et au plus grand nombre. C’est une forme qui, traditionnellement, évoque la préciosité par ses matériaux, sa technicité, ou encore le rôle sentimental qu’elle peut jouer pour et entre certains individus. Je m’amuse aussi avec les techniques traditionnelles de la bijouterie ou de la parure plus globalement, par exemple, j’utilise souvent le sertissage ou encore la broderie pour valoriser une matière. Ces savoir-faire étant considérés comme nobles sont souvent utilisés pour travailler des matières précieuses, de plus, ils nécessite de passer du temps, de la patience, la matière ordinaire ainsi travaillée prend dès lors un aspect plus précieux, somptueux. J’apprécie aussi son aspect portatif. Par l’intermédiaire du corps, le bijou/sculpture peut sortir des espaces d’exposition conventionnels dédiés aux arts  plastiques, pour intégrer ceux du quotidien et être exposé au yeux de tous·tes celle·eux qui poseront leur regard dessus. Ce qui fait sens avec mon travail puisque c’est de mon quotidien que vient mon inspiration et mes matières premières.

Quel est le point de départ de votre série des Houblons ?
C’est la bière, la «Kro». J’avais envie de travailler sur son aspect populaire, basique, peu cher et qui rassemble. Cela a donné lieu à un travail de deux ans dédié à la recherche autour de cette thématique et des matériaux qui composent les emballages de bière Kronenbourg. Mes premières envies ont été de fabriquer des bijoux, aux allures traditionnelles, type bijoux de famille, entièrement à partir des canettes de bières, en allant jusqu’à réaliser une couronne. Ensuite, je me suis intéressée à la représentation des effets de l’alcool sur le corps, ce qui a donné des colliers avec des pendentifs de foies cirrhosés en canettes tricotées, des lunettes en culs de bouteilles qui, lorsqu’on les portes, reproduisent la même vision qu’en état d’ivresse ou encore une broche représentant un vomi réalisé en broderie,… Frustrée de ne pas pouvoir travailler directement avec la bière à l’état liquide, «cet or mousseux» comme la nome Philippe Delerm dans la première gorgée de bière, j’ai également travaillé le photomontage, en utilisant des fragments de photos de bière. J’ai choisi de reconstituer la coiffure d’or de la reine Puabi, qui régnait à l’époque et à l’endroit où l’on a retrouvé les premières traces de fabrication de bière. La bière liquide devient ainsi l’or de la couronne. Les pièces phares de toute cette recherche, restent les broches houblons, qui racontent l’origine de la bière, la fleur de houblon, représentés à partir du métal de la canette, le dernier contenant de la bière avant dégustation.

Quelle place a l’ornement dans votre travail ?
J’aime bien l’idée de l’ornement parce qu’il est par définition  un «accessoire destiné à embellir le corps ou le vêtement». C’est finalement exactement ce que je cherche à faire avec les matières que j’utilise, les travailler de telle sorte à ce qu’elles attirent le regard alors qu’on ne les apercevait même plus dans notre quotidien, qu’elles étaient insignifiantes voire même indésirables. Sous leur nouvelle forme, elles ont désormais pour rôle de nous embellir, du moins, elles peuvent être portées et raconter subtilement leur histoire à qui s’arrêtera dessus.

Les boucles dormeuses issues de la Krollection, acier de canette de bière Kronenbourg, 2018, photo: Juliette Même

Houblon Slovaque, acier issu de canette de bières Zlatý Bazant, fil d’acier, 2019, Photo: Matus Cepka

Tessons perdus, fragment de collier, verre et métal issus d’emballage de bières Kronenbourg, 2018, photo: Juliette Même

 

Le site de Juliette Même: juliettememe.com
© Juliette Même