La poésie des créations de Gwen van den Eijnde

Gwen van den Eijnde est né en 1981 aux Pays-Bas mais développe une carrière internationale. Après ses études en textile aux Arts Déco de Strasbourg, il poursuit son instruction à New-York, puis devient artiste résident à Stuttgart et à Varsovie. Il est actuellement professeur à la prestigieuse Rhode Island School of Design. Créateur hybride, il brouille la frontière entre la mode et la création de costume.

Son travail transforme le modèle en créature intemporelle, baroque et futuriste à la fois. Sortes de sculptures mouvantes, ses réalisations sont techniques et élaborées. Eijnde puise son inspiration ailleurs que dans la mode, en particulier dans le cinéma avec, entre autres, l’univers de Peter Greenaway.

Cercle Magazine a pu poser quelques questions à Gwen van den Eijnde au sujet de son travail et de son processus créatif.

Cercle Magazine : Votre travail relève de différents univers. Par exemple, vos créations rappellent le théâtre ou le cinéma ; vos inspirations sont issues, entre autres, de l’univers de Peter Greenaway. Quels autres artistes en dehors de l’univers de la mode influencent votre travail ?
Gwen van den Eijnde : Beaucoup d’artistes ! Je m’intéresse entre autres au travail de Jan Fabre, Berlinde de Bruyckere, Robyn Orlin, Robert Wilson. Ayant beaucoup étudié le travail de Peter Greenaway en particulier, je le considère presque comme un de mes professeurs. Greenaway n’est évidemment pas un créateur de mode mais un metteur en scène qui a suivi une formation de peintre et dont l’imaginaire profondément théâtral se nourrit de la peinture baroque.

Existe-t-il selon vous une frontière entre la mode et la création de costume ?
Non, je ne pense pas que la créativité puisse se cantonner à rentrer dans des tiroirs bien spécifiques. Je suis admiratif de Leon Bakst qui était peintre, créateur de costumes et décorateur de théâtre et dont le travail a influencé Paul Poiret qui a son tour a influencé Christian Berard qui lui-même a influencé Yves Saint Laurent, etc… C’est l’histoire d’une inspiration trans-générationnelle et trans-disciplinaire.

Folk?, costumes pour un ballet dirigé par Edyta Kozak et Roland Rowinski, Festival de danse international Cialo/Umysl, Varsovie, 2011
Lin et l’autre, collaboration avec le photographe Charles Fréger, 2015
Lin et l’autre, collaboration avec le photographe Charles Fréger, 2015
Wystepy, performance, Center for Contemporary Art Castle Ujazdowski, Varsovie, 2010

 

Mais le costume contient un potentiel de narration beaucoup plus fort que celui de la mode. Étant toujours l’instrument d’une mise-en-scène, le costume raconte beaucoup en utilisant des codes de représentation symboliques. L’espace du costume est un espace imaginaire, virtuel, parfois anachronique. La mode est en revanche bien réelle et je trouve qu’elle a perdu beaucoup de son jeu, de sa créativité et de sa fantaisie dans le quotidien.

Votre travail oscille entre la mode et les performances. Vous considérez-vous comme un créateur de mode ou comme un artiste avant tout ?
Pourquoi pas un couturier artiste ? C’était le cas de créateurs tels que Jacques Doucet, Paul Poiret, Sonia Delaunay. On ne parlait pas de “pluri-disciplinarité” à l’époque. Aujourd’hui tout le monde parle du talent d’Alexander McQueen. Qui s’intéresse à l’histoire du talent de Jacques Doucet ou de Paul Poiret?

Pour rejoindre votre première question, si l’on voulait définir ma pratique, elle pencherait sans doute davantage vers celle du metteur en scène et du directeur artistique que vers celle du créateur de mode. Car les costumes me servent à déployer tout un univers : onirique, décalé, baroque. Les costumes inanimés, installés sur un mannequin ou un cintre, ne m’intéressent pas vraiment s’ils n’expriment pas leur potentiel dramatique.

C’est pourquoi j’ai commencé à faire des performances car il s’agissait de la manière la plus juste de présenter mes costumes, de les mettre en mouvement et dans un contexte.
J’ai ensuite voyagé et travaillé en Allemagne, en Pologne, en Suisse et aux États-Unis, où mon travail est apprécié et soutenu.

Vous avez beaucoup travaillé pour l’univers de la danse. Quels liens entretenez-vous avec cette forme d’art ?
Je m’intéresse de plus en plus à la danse et au travail corporel. En été, je suivrai un workshop de danse baroque donné par Ken Pierce à Boston.
Je respecte beaucoup l’œuvre de Robyn Orlin. Son processus créatif se base sur le dialogue et la collaboration. Sa méthode n’est pas celle d’un chorégraphe qui dicte ce qu’il faut danser pour que l’on applaudisse la performance du corps qui exécute la prouesse du mouvement.

Il existe une certaine “mode” pour le costume de danse contemporaine, qui est de peu vêtir le corps des danseurs, le laissant presque nu. De cette manière, on peut admirer la performance du corps qui danse en obtenant un look contemporain, minimal, érotique et peu cher sans que le costume ne “raconte” trop.
Mon travail suit une autre logique, celle du mouvement qui est donné par le costume, transformant le corps en sculpture. Il s’agit de suivre les mouvements dictés par le port du costume, de s’adapter à ce corps transformé par l’ampleur et le volume, d’apprendre à se mouvoir d’une certaine manière en portant des vêtements qui ne sont ni des jeans ni des tee-shirts.
C’est pourquoi je m’intéresse beaucoup aux recherches d’Oskar Schlemmer dans son Ballet Triadique.

Quels sont vos projets en cours ?
Cet été nous terminons avec le réalisateur allemand Marcel Wehn le montage d’un court film intitulé Lipizzano qui a été tourné en juin à la Villa Wenkenhof à Bâle, et dont le personnage central est un cheval.
La bande son sera composée par le compositeur coréen Jae-Ho Youn. Le film sera en ligne sur mon site internet à la rentrée puis j’essayerai de le proposer à des festivals.
Puis pour les deux prochaines années, j’effectuerai un travail de recherche dans les collections de Costumes & Textiles du “RISD Museum” : http://risdmuseum.org/art_design/collections/costume_and_textiles .

Ces recherches permettront de nourrir à la fois mon enseignement à RISD comme mes projets. J’envisage de concevoir un ensemble de pièces contemporaines en dialogue avec des pièces anciennes. Ces pièces seront montrées / scénographiées lors d’une nouvelle performance, sans doute aux États-Unis.

Pourriez-vous décrire votre travail en trois mots ?
Poétique
Magique
Baroque

Wystepy, performance, Center for Contemporary Art Castle Ujazdowski, Varsovie, 2010
Lillet en soirée, performance, Munich, 2012
Lillet en soirée, performance, Munich, 2012
Lillet en soirée, performance, Munich, 2012
Kakitsubata, performance, Salon Mondial à Bâle, 2015
Kakitsubata, performance, Salon Mondial à Bâle, 2015

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

© Gwen van den Eijnde
www.gvde.net