Angel Olsen, renaissance grunge

Coqueluche de l’indie-folk américain, Angel Olsen est de ces chanteuses qui vous soumettent par la voix. Loin des clichés folk féminins de badinage fleur bleue, Angel est une sauvageonne, grunge mais vulnérable, sombre mais rayonnante. Dernière plage de l’album révélation Burn Your Fire for No Witness (Jagjaguwar, 2014), «Windows» a fait l’objet d’un clip réalisé par Nick Alverson à qui Angel Olsen a donné carte blanche en se prêtant au jeu de la mélancolie en costume d’époque. Éthéré et obsédant, le chant élégiaque devient à l’image une épiphanie.

Telle une apparition, Angel arpente la campagne et hante, entre champs et foyer, deux enfants dans leurs jeux. Le regard qu’elle porte sur eux est marqué du passé. Venue d’un autre temps, en fantôme parmi les vivants, elle se laisse enduire le visage d’une gelée visqueuse qui forme un masque transparent. Glissement vers une seconde apparition. Angel Olsen apparaît dans une toilette éclatante et une coiffure solaire. Venue de la Haute Renaissance italienne, tout droit sortie d’un Rafaello ou d’un Véronèse, parée d’une fraise et de tissus nobles, de dorures et de bijoux, elle porte d’un coup l’exubérance d’une noblesse vénitienne et l’esprit élisabethain. Dans un magnifique portrait en pied, l’ange profane qui dégoulinait de vaseline près de champs à l’été, ruisselle d’ornements dans un feuillage automnal. Déplacée, idéalisée, mythifiée, Angel est debout, portraiturée en pied comme une reine de Cranach, sylvestre, d’une impassibilité grave, nature (sur)vivante dans un univers (sur)réel.

Émanation ancestrale au contact de l’enfance et de la nature, elle est l’autre fantôme venu poser son regard sur le futur. «Won’t you open a window sometime» répète Angel Olsen comme une élégie, un chant des morts qui ouvre les fenêtres du temps. Et si elle était plus sheakespearienne que grunge?

Par Émilie Fernandez & Alexandre Rochon

 

© Angel Olsen